J'ai beaucoup aimé les années que j'ai passées à l'université. Et j'aime bien collectionner les diplômes. Mais ce que j'avais observé des rapports entre
universitaires et ce que je savais de son fonctionnement ne m'a pas donné envie d'y faire carrière.
Il faut être réaliste, les étudiants qui sortent avec un diplôme en poche sont, dans la majorité des cas, orientés vers des "petits boulots". Et celà s'est aggravé au cours des vingt
dernières années. Les postes intéressants reviennent aux élèves des grandes écoles.
Au sein de l'université, on peut obtenir son bâton de maréchal en devenant "enseignant-chercheur" : mais cette promotion est réservée à une minorité qui connaît bien les arcanes de l'université
et est capable de mettre en oeuvre des stratégies d'ascension professionnelle. En 1968, on ne parlait pas d'"enseignants-chercheurs" mais de "mandarins" : depuis, leur statut s'est dégradé, mais
ils ont appris à communiquer avec leurs étudiants. L'écho des manifestations ou de l'émission "en direct de la Sorbonne" que j'ai entendue sur Europe 1 l'autre jour, est assez parlante.
Je suggérerais au public, et aux parents d'étudiants, de s'informer avec précision sur le statut réel de ces professeurs qui dispensent des cours en premier cycle devant des amphithéâtres pleins.
Et qui doivent corriger autant de copies ! Sont-ils "enseignants-chercheurs" ? Ou ces tâches lourdes et ingrates sont-elles dévolues à de besogneux "non titulaires" ?
C'est entendu : il faut réformer l'université. Les étudiants bacc + 5 voués à passer leur vie comme "animateur socio-culturel" dans une cité de banlieue en sont les premiers conscients.
Le gouvernement sans doute aussi (en tous cas je sens que Mme Pécresse est sincère), qui affirme haut et fort sa volonté de changer les choses.
Mais pourquoi donc, M. Nicolas SARKOZY, pour présenter sa réforme, manie-t'il l'ironie facile vis à vis des enseignants chercheurs qui "vont dans leurs labos pour avoir à éviter de se chauffer
chez eux" ou quelque chose d'approchant. Il y en a peut-être, mais la généralisation est abusive. Moi qui ne suis pas enseignante, qui trouve un peu démagogue leur attitude quand je les entends
s'exprimer et que j'entends leurs étudiants les ovationner comme des vedettes du show biz, je suis très perturbée par le mépris à leur encontre qui transpire, non seulement des propos, mais
surtout des mimiques du président.
J'ai entendu s'exprimer, sur le sujet que je viens d'aborder, M. Axel KAHN, un mandarin sympathique : j'envisage favorablement ses propositions d'universités autonomes, d'équipes ayant une
démarche de projet (un travail en équipe, à l'université comme ailleurs, génère un plus grand dynamisme) et qui gagnent de l'argent grace à ces projets. Pour reprendre le parallèle avec la
télévision publique : la BBC gagne beaucoup d'argent en vendant ses documentaires si réputés. Il n'y a aucune honte à ce qu'un financement ne soit pas fait exclusivement par le biais de
subventions, donc avec l'argent des contribuables.
En ce qui concerne l'évaluation : pour ne pas être contestable, il me paraît sain qu'elle soit effectuée extérieurement au corps professoral. Un peu comme il vaut mieux que les comptabilités
des universités soient évaluées (et jugées) par la Cour des Comptes plutôt que par le président d'université qui est ordonnateur des dépenses... ou par un conseil d'administration. Pour reprendre
les mots de Coluche : il fait sortir des "milieux autorisés". Un de mes anciens profs de fac, qui avait pourtant bien su tracer sa route dans le marigot, parlant de la promotion au sein de
l'Université disait qu'elle se faisait "par cooptation, comme tout ce qui n'est pas franc du collier". Un autre, évoquant le Conseil scientifique dont il était pourtant membre, ironisait
: "ça ressemblait au soviet suprême du temps de Brejnev" et me rapportait que ce même conseil scientifique avait refusé d'accueillir en son sein un agrégé, titulaire de doctorat, avançant
comme argument qu'il était trop "rustique".
Je n'ai pas suivi les dernières réformes, mais j'ai peur que derrière les slogans mis en avant ("nous luttons pour que vos enfants puissent accéder au savoir"), c'est la défense de ce système qui
représente pour les manifestants l'enjeu. Or l'enjeu, le véritable enjeu de l'université du 21e siècle, c'est que ceux, TOUS CEUX, qui ont investi beaucoup de leur temps à étudier des choses qui
ne les a pas toujours passionnés, aient un retour : un boulot intéressant et/ou valorisant. Et que l'argent investi par le contribuable modeste ait une réelle efficacité.
Pour réformer, il faut poser les problèmes, les vrais problèmes, sur la table, ceux qui concernent le plus grand monde. Il faut aussi trouver les bons interlocuteurs (je suggérerais
d'écouter ce qu'ont à dire les anciens étudiants sur voie de garage : ceux qui, bardés de bagages, ne trouvent à les poser que dans un secrétariat, une caisse ou un rayon de grande surface :
cf le blog "caissieres no future)), et surtout éviter cette gestion des problèmes par l'ironie. Peut-être qu'au sein d'un parti politique, par essence nid de "tueurs", pour arriver au
sommet, cette méthode qui vise à déconsidérer l'adversaire, est consubstancielle. Mais gouverner, c'est gérer : et le but n'est pas d'éliminer les administrés. La gestion "Père Ubu" ("le peuple
n'est pas d'accord ? Supprimez le peuple !") des problèmes ne peut que déboucher sur la violence.
Et il faut garder conscient à l'esprit que résoudre des problèmes, élaborer des réformes, c'est une cause commune, un "bien public".
Je propose donc à tous ces gens de plancher sur un sujet : le service public de l'Université. J'attends leurs copies avec impatience.