J’étais un peu perplexe sur cette notation dite « triple A » dont personne n’avait jamais entendu parler avant que sa conservation soit proclamée
« grande cause nationale » ( « notre trésor »). Parmi les catastrophes annoncées pour le « pecus vulgus », dont je suis, figurait une augmentation des taux d’intérêt
aux emprunts contractés par l’Etat et même le particulier. Et pour mettre un toit sur notre tête notamment, on nous annonce que des taux intenables à: 3%, peut-être 3,5% nous attendent. Je
suis allée voir le taux d’intérêt qui m’avait été appliqué dans le cadre de mon Plan d’Epargne Logement et qui m’avait été, il y a 15 ans, présenté comme une affaire en or : 6, 32 %. Je
viens de payer la dernière mensualité !
Enquête faite par les journalistes économiques, il s’avère que cette notation est attribuée par 3 jeunes économistes fraîchement diplômés qui étudient la situation
financière de chacun des pays européens et leur solvabilité, selon des critères qui me paraissent devoir beaucoup au pif. Leurs collègues avaient d’ailleurs, en 2008, garanti la fiabilité des
fameux produits « subprimes », gagés sur le remboursement de crédits attribués à des gens insolvables pour acheter des maisons en carton au fin fond des Etats-Unis (« tu rembourses
pendant 10 ans et dans 10 ans les ruines sont à toi », disait déjà Coluche dans un sketch de 1980).
Pour conserver notre « trésor », un certain nombre de mesures drastiques ont donc été annoncées : augmentation de la TVA, taxe sur les sodas… On nous
prépare psychologiquement à des baisses du salaire minimum garanti et des retraites actuellement versées. Et plus question de feignasser en ne travaillant que 35 heures par semaine. Jusqu’à la
semaine dernière, seuls les « Guignols de l’info » avaient, croyant plaisanter, avancé que les congés payés abusivement payés depuis 1936 étaient à l’origine de nos difficultés. Depuis
lors, Jean François Coppé s’est exprimé en ce sens devant un auditoire de jeunes UMP.
J’ai, l’autre jour, entendu un chef d’entreprise tenter de culpabiliser Bernard Thibaut, en affirmant que les Chinois trouvent anormal le peu de temps que les
Français consacrent au travail. « Si vous trouvez que le modèle chinois est le modèle à suivre, il faut le dire clairement » lui a répondu, agacé, le syndicaliste. Je suis les
« primaries » républicaines aux Etats-Unis : l’un des candidats s’est explicitement prononcé pour le travail des enfants. Allons bon ! même les mesures prises à la fin du XIXe
siècle mettent donc notre économie en péril ? Pourtant, en Colombie, les enfants descendent dans les mines pour extraire de l’or, de l’argent ou du charbon : et la Colombie n’a pas, à
ma connaissance un taux de croissance enviable.
Heureusement, un vent de fraîcheur a soufflé du côté d’Europe Ecologie Les Verts : ils préconisent un abaissement du temps de travail à 32 heures. C’est
d’ailleurs le résultat d’un compromis trouvé avec la tendance qui préconise la semaine de 28 heures !!!
Je conserve précieusement dans ma bibliothèque un petit bouquin intitulé « Travailler 2 heures par jour ». Il date de 1977 : j’avais eu l’occasion de
rencontrer l’un des auteurs, je ne sais plus à quelle occasion. Dans le lycée où je travaillais il y avait une forte implantation du SGEN-CFDT. Sa théorie était qu’il n’est pas nécessaire de
travailler plus de 2 heures par jour pour le bénéfice d’un patron. Mais qu’en réalité, la journée de travail productif est beaucoup plus longue. Et de fait, tout salarié, tout chômeur, tout
inactif, toute mère de famille, on le sait bien, effectue en plus du travail pour le compte de son patron, un travail pour sa famille, pour une association, pour aider ses voisins. Travail qui
dégage une plus-value. mais qui n’est pas incluse dans la comptabilité nationale. Dans les associations dont je suis « vérificateur aux comptes » je plaide régulièrement pour que la
valeur du bénévolat soit estimée. C’est un peu compliqué, mais pas impossible.