J'ai découvert récemment que les normands entendaient promouvoir leur région par un site nommé "heula".
Pour qui ne s'est jamais rendu dans cette région exotique, il convient d'en donner un retranscription phonétique plus vivante du "heula" : lorsque je travaillais dans un lycée
sarthois, et qu'arrivaient les cars de ramassage scolaire, à 7 h 30 le matin, j'entendais de mon bureau de toutes fraîches jeunes filles éructer des "Heûûûûlâ" tonitruants. Si le
département de la Sarthe dépend de la région "Pays de Loire", il peut, tout au moins dans sa partie nord, être déclaré "normand d'honneur". Avec des noms de famille que je n'avais encore jamais
entendu et qu'il m'a fallu apprendre à orthographier : Ched'homme, Sep'chat... Ou fleurant bon la campagne : comme Bellavoine, Bellepomme. Une curieuse propension aussi à prénommer les filles
Lydie...
La proximité relative de la mer fait que la région n'est jamais froide : mais ce qui m'a étonnée c'est que quand le brouillard tombait, l'hiver, il pouvait ne pas se lever une bonne semaine
d'affilée. Un prof de gym rapatrié d'urgence, et en plein hiver, de Côte d'Ivoire où il y avait eu (déjà !) des troubles, prétendait ne jamais avoir le courage d'ouvrir ses volets de la
journée. Le conseiller d'orientation, au contraire, sarthois d'origine, prétendait que cette ambiance était propice au rêve. Moi qui suis myope, j'avais l'impression de voir sans lunettes
! Habituée au climat froid de la région stéphanoise, et abusée par le palmier qui poussait devant la fenêtre du premier logement que j'ai occupé, je n'ai pas tardé à faire une belle
bronchite.
Je me suis acheté une galetière, ai appris à faire des crêpes au sarrazin et à déboucher les bouteilles de cidre produit par le grand-père de la documentaliste qui faisait tenir le
bouchon avec du fil de fer sans faire de trous au plafond. J'ai toutefois évité de sacrifier trop souvent à une coutume locale : boire son petit café du matin avec un verre d'alcool de
pomme.
Naturellement, pour Noël, avec deux profs du lycée originaires de la région lyonnaise que je ramenais jusqu'à la gare de Moulins, nous chargions la voiture en boudin blanc et en pots de
rillettes.
Mais j'ai été très contente de quitter la région : c'était vraiment très calme. Et je n'étais pas en âge de l'apprécier, malgré des amis sympa,
mais qui n'avaient qu'une obsession : demander leur mutation vers leur région d'origine.