Olivier Petre Grenouillaud est un historien dont la thèse "les traites négrières" a été saluée par ses pairs. Comme toute thèse d'histoire, sa diffusion est
longtemps restée confidentielle. Je l'ai achetée, l'ai lue et trouvée très intéressante : elle démontre que l'esclavagisme n'a pas été le seul fait du commerce triangulaire (d'où le titre "les
traites..."). Et que comme les gaulois se faisaient la guerre entre eux pour faire des prisonniers et vendre des esclaves à Rome et à la Grèce, des africains raflaient d'autres africains pour
alimenter le commerce des esclaves.
Certaines associations ont découvert ce travail, ont qualifié l'historien de négationiste et dans la foulée ont demandé que les français se repentent pour le commerce
triangulaire. Sans prononcer le mot, ils définissent ainsi une identité française.
Au XVIIe et au XVIIIe siècle, il se trouve que mes ancêtres s'épuisaient à cultiver des terres ne leur appartenant pas pour verser des redevances à des accapareurs, qui investissaient
peu-être dans le commerce triangulaire.
Comme l'a dit Jean Ferrat : c'est là ma France.... "Celle des enfants de 5 ans travaillant dans les mines, celle qui a bâti de ses mains vos usines, celles dont M. Thiers a dit : qu'on la fusille
!"
Il y a d'autres "identités françaises" : celle de Jean Marie Le Pen, par exemple. Il y a l'"identité française" de Robert Badinter et d'un certain nombre de réfugiés de l'entre deux guerres.
Amalgamer tous les "gaulois", généraliser à un groupe le comportement d'individus, c'est ce que l'on appelle le "racisme". Le racisme "à l'envers" est un racisme comme les autres.
Des gens, qui pourtant me veulent du bien, vous le diront : je ne suis pas très "fu-fute". Aussi lorsque le ministère de l'identité française et de l'immigration a été créé, je n'y ai pas vu
matière à m'indigner : pur produit de l'école laïque, gratuite et obligatoire, je connais par coeur, ou presque la Légende des siècles, ses "soldats de l'an II, dressés contre toute l'Europe avec
ses capitaines, avec ses fantassins couvrant au loin les plaines...", l'histoire du jeune Barra assassiné pour avoir refusé de crier "Vive le roi", et j'ai trouvé émouvant que "cet air de liberté
au-delà des frontières" ait conduit les Hongrois, en 1956, les Tchèques en 1968 et même les Chinois en 1989 à chanter la Marseillaise.
Il me paraissait important au moins d'en discuter.
Fernand Braudel, un autre historien, a écrit il y a un quart de siècle un ouvrage salué par tous les intellectuels de l'époque : l'Identité de la France. Donner pareil titre à un ouvrage
serait considéré aujourd'hui comme "libérant la parole raciste".
Il y a pourtant une "identité de la France", comme assez paradoxalement, il y a une "identité bourbonnaise", axée autour d'un mythe : le métayage et d'une construction paysagère : le
bocage. Il y a une une identité "méditerranéenne". Personnellement, je me sens autant bourbonnaise que française, méditerranéenne que descendante des Celtes. Et européenne.
Une identité n'est donc pas forcément exclusive des autres.
Il reste à [re]construire une identité européenne.
J'avais trouvé étonnant, il y a quelques 40 ans, que les américains noirs (on dit afro-américains) recherchent, au travers de caractéristiques faciales, leurs
racines ethniques. Celà ressort de la même logique que la vogue de la généalogie ou de la légitimité reconnue aux enfants abandonnés de rechercher leurs parents, tout ceci prouve que l'on a
besoin de se construire une identité. Et à défaut d'enregistrement d'état civil, il fallait bien mettre au point une méthode.
Et pour revenir à mon premier sujet : l'esclavage, considérer qu'il n'y a eu qu'une sorte d'esclavage, celui des africains noirs victime du "commerce triangulaire", c'est sous estimer d'autres esclavages, contemporains, eux.