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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 13:13

~~Il paraît que Voltaire connaît un regain d'intérêt. Dans l'article « Torture » de l'édition de 1769 du Dictionnaire philosophique, il donne en exemple le martyre du chevalier de La Barre : « Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d'esprit et d'une grande espérance, mais ayant toute l'étourderie d'une jeunesse effrénée, fut convaincu d'avoir chanté des chansons impies, et même d'avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât la main, et qu'on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l'appliquèrent encore à la torture pour savoir combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête. » Deux actes de profanation ayant été découverts, au matin du 9 août de l’année précédente : des entailles à l'arme blanche sur le crucifix du pont d'Abbeville et un dépôt d'immondices sur une représentation du Christ dans un cimetière d'Abbeville, le procureur du roi appelé sur les lieux, dressa procès-verbal et déposa une plainte pour impiété. Une enquête fut ouverte : les soupçons portèrent rapidement sur quelques membres de la jeunesse dorée de la ville connus pour leurs frasques. Ces jeunes gens s'étaient fait remarquer auparavant en chantant des chansons peu respectueuses de la religion ; ils se seraient même vantés d'être passés devant la procession du Saint-Sacrement sans se découvrir. La plupart s’enfuirent de la ville. La Barre, qui n’avait pas jugé nécessaire de la faire, fut arrêté le 1er octobre 1765, et nia les faits. Mais on trouva chez lui un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire et trois livres licencieux. Une quarantaine de témoins furent entendus : il fut attesté qu’il avait « passé à vingt-cinq pas d’une procession sans ôter son chapeau qu’il avait sur sa tête, sans se mettre à genoux, d’avoir chanté une chanson impie ». Les résultats de la perquisition effectuée à son domicile, aggravèrent les charges retenues contre lui : puisqu’il avait « rendu le respect à des livres infâmes au nombre desquels se trouvait le dictionnaire philosophique du sieur Voltaire » Le 28 février 1766, le tribunal d'Abbeville le condamna pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ». Le verdict des juges d'Abbeville fut confirmé en appel par le Parlement de Paris : dans un contexte d’opposition entre les Parlements et le pouvoir royal, sur vingt-cinq magistrats, quinze confirmèrent le jugement d'Abbeville, le 4 juin 1766. Moisnel, un de ses acolytes, qui n’avait que 15 ans, ne fut condamné qu'à l'amende ordinaire. Après divers supplices censés être expiatoires, il fut conduit sur le lieu de son exécution, en charrette, en chemise, la corde au cou. Il portait dans le dos une pancarte sur laquelle était inscrit « impie, blasphémateur et sacrilège exécrable ». Il fut décapité et son corps fut jeté au bûcher avec un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire cloué sur son torse. Il est à noter que dans cette affaire, l'évêque d'Amiens intervint pour demander la grâce de La Barre au roi Louis XV. Elle se situe dans un contexte de conflit entre les juges et les philosophes : la condamnation du chevalier de la Barre résultait d’une interprétation abusive des textes judiciaires.

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Published by Dominique LAURENT