Charles Louis PHILIPPE est un écrivain, né à CERILLY (03), près de la forêt de Tronçais, comme Marcellin DESBOUTINS que
j'ai évoqué précédemment. Il était fils d'un sabotier, mais a pu poursuivre des études grâce à une bourse. Après son baccalauréat, Charles-Louis
Philippe a préparé sans succès les concours d'entrée à l'École polytechnique et à l'École centrale. "Monté" à Paris, il entra dans l’administration du département de la Seine. Il mèna à Paris une
vie modeste et possèdait un petit appartement de l'île Saint-Louis, à une époque où le quartier était encore populaire.
J'ai trouvé à Strasbourg, à une époque où mes revenus me permettaient encore de faire des achats d'impulsion, un exemplaire de son oeuvre majeure : Bubu de Montparnasse, en allemand et en
gothique. J'ai appris l'allemand en 2e langue, et en 4e et en 3e, nous avions encore des livres où un texte sur deux était imprimé en gothique, ce qui m'a sans doute d'ailleurs beaucoup aidée
pour la paléographie et la lecture des parchemins du Moyen Age. Je me suis donc lancé le défit de le lire dans cette édition : le roman ne compte d'ailleurs pas plus de 200 pages..
Les illustrations sont de très jolis bois gravés.
Charles Louis PHILIPPE amène très régulièrement à CERILLY des universitaires, plus souvent anglais, américains ou japonais que français ! Dans son roman, iIl offre une description de ce
PARIS de la Belle Epoque, aussi évoqué par CARCO et MAC ORLAN, Belle Epoque qui n'était pas belle pour tout le monde, et particulièrement pas pour les protagonistes du roman :
dont voici le résumé :
La petite Berthe est apprentie fleuriste et se rend un bal avec ses soeurs. Elle y
rencontre Maurice, ébéniste, qui se montre le plus galant des cavaliers, l'invite à boire une grenadine et, de rendez-vous en rendez-vous, devient son amant, puis son homme. Maurice, dit
« Bubu de Montparnasse » va mettre sa petite femme au travail et lui fait rencontrer ses amis : Jules notamment, et la voilà devenue "fille publique".
Elle arpente boulevard Sébastopol jusqu'à 22 heures pour gagner l'argent du ménage, payer leur chambre d'hôtel, ses souliers et les loisirs de Bubu. Comme celui-ci sait qu'il faut
savoir tenir sa femme, il l'éduque par l'autorité et la corrige "pour son bien".
Un soir, elle rencontre un nouveau client : le jeune Pierre, provincial timide, un employé qui étudie encore pour obtenir ses diplômes.
Il m'avait échappé que Mauro Bolognini
en avait fait un film en 1970, avec Ottavia Piccolo dans le rôle de Berthe. Antonio Falsi est Bubu, Massimo Ranieri est Pierre et Luigi Proietti, Giulio.
Le thème de la gentille fille mise sur le trottoir par un homme dont elle est éperdument amoureuse et qui meurt sous ses coups quand elle refuse d'aller au turbin a
aussi été évoqué dans une de ces "chansons réalistes" qui font mon succès dans les mariages et notamment par Aristide BRUAND dans celle-ci :
Elle avait sous sa toque de martre,
sur la butte Montmartre,
un p'tit air innocent.
On l'app’lait Rose, elle était belle,
Elle sentait bon la fleur nouvelle,
rue Saint-Vincent.
Elle avait pas connu son père,
elle avait plus d'mère,
et depuis 1900,
Elle demeurait chez sa vieille aïeule
Où qu'elle s'élevait comme ça, toute seule,
rue Saint-Vincent.
Elle travaillait déjà pour vivre
et les soirs de givre,
dans l'froid noir et glaçant,
son p'tit fichu sur les épaules,
elle rentrait par la rue des Saules,
rue Saint-Vincent.
Elle voyait dans les nuit gelées,
la nappe étoilée,
et la lune en croissant
qui brillait, blanche et fatidique
sur la p'tite croix d'la basilique,
rue Saint-Vincent.
L'été, par les chauds crépuscules,
Elle rencontra Jules,
qu'était si caressant,
qu'elle restait la soirée entière,
avec lui près du vieux cimetière,
rue Saint-Vincent.
Mais le p'tit Jules était d'la tierce
qui soutient la gerce,
aussi l'adolescent,
voyant qu'elle marchait pantre,
d'un coup d'surin lui troua l'ventre,
rue Saint-Vincent.
Quand ils l'ont couché sur la planche,
elle était toute blanche,
même qu'en l'ensev'lissant,
les croque-morts disaient qu'la pauv' gosse
était crevée l'soir de sa noce,
rue Saint-Vincent.
Elle avait une belle toque de martre,
sur la butte Montmartre,
un p'tit air innocent.
On l'appelait Rose, elle était belle,
Elle sentait bon la fleur nouvelle,
rue Saint-Vincent.